Les roches

Les Aiguilles de Chaleux sont constituées de calcaire viséen, gris clair ou gris perle, en bancs d’épaisseurs pluridécimétriques, appartenant à la Formation de Neffe.  Vers le nord, on passe à des calcaires gris foncé et noirs rattachés à la Formation de la Molignée.  Au sud, au pied d’un abri-sous-roche (parfois désigné sous le nom de Grotte ou Trou de Chaleux), apparaît un peu de dolomie.  Ces formations sont d’âge viséen (moliniacien).

Le massif rocheux est souvent désigné sous le nom d’ « Aiguilles de Chaleux ».

Une lame verticale située au nord du massif est appelée « Roche à la Chandelle », ou plus généralement, la « Chandelle ».

Le dépôt et l’évolution des sédiments

Les calcaires se sont déposés au Viséen, entre -345,3 et -326,4 Ma.  La transformation d’une boue carbonatée en une roche indurée a duré des millions d’années.  Assez précocement (= diagenèse précoce), la composition de certaines roches calcaires a été modifiée par des circulations d’eaux magnésiennes.  Le calcaire s’est transformé en dolomie : (Ca, Mg)(CO).  Voir aussi le site des Roches de Freyr à Dinant (Anseremme).

Un peu d’histoire

Les fouilles archéologiques au Trou de Chaleux ont débuté en 1865.  On a mis à jour trois niveaux d’occupation.  Les fouilles ont livré un matériel lithique très important (30 000 silex dont des outils de type grattoir, lissoir, perçoir, burin, etc… parmi d’abondants déchets), des objets en os (épingle à cheveux, aiguilles, pointes de javelot), des éléments de parure (coquilles, dents de squale perforées), un rognon de pyrite pour faire du feu, etc. 

Des ossements humains de deux ou trois adultes et d’un enfant ainsi que des os d’animaux (renne, chèvre, bœuf, cheval, sanglier, ours brun, renard, blaireau, putois, lièvre, rat) ont été dénombrés.  Des œuvres d’art ont été mises à jour; elles représentent des motifs animaliers (cheval, aurochs, renne, lapin, mammouth) gravés sur des dalles rocheuses ou des os.  Le Trou de Chaleux présente les caractéristiques d’un habitat attribué au Magdalénien supérieur (Paléolithique supérieur).  Des datations au carbone 14 sur des os d’animaux révèlent des âges entre 12 000 et 13 000 +/- 100 à 170 ans avant notre ère.

Certaines parties des Aiguilles de Chaleux sont équipées pour l’escalade.  Ces voies sont gérées par le Club Alpin belge qui en règlemente l’accès.  L’escalade est toutefois rigoureusement interdite sur la Chandelle.  Ce n’était cependant pas le cas vers 1943, lorsque Haroun Tazieff l’escalada chaussé de mauvaises sandales à semelles de crêpe.  Borlée (1987) relate qu’alors qu’il était presque arrivé au sommet, Tazieff perdit une sandale et, déséquilibré, chuta de 22 mètres de hauteur.  Ses compagnons le crurent mort et l’évacuèrent dans une barque le long de la Lesse.  Mais Tazieff était solide et surtout eut beaucoup de chance : il s’en tira avec quelques bleus. 

Ces majestueux rochers sont également source de légendes.  Voici ce que raconte Dejardin (1990) sur la Chandelle.

Non loin de Chaleux, la falaise de Furfooz abrite le Trou des Nutons.  Ce nom vient des petits génies qui habitaient les rochers et l’intérieur des montagnes et n’en sortaient que la nuit.  Ces lutins entretenaient de bonnes relations avec les gens du voisinage auxquels ils rendaient service.  Leur réputation d’habiles artisans était telle que les paysans déposaient à l’entrée de leur demeure souterraine des socs de charrues à redresser, du linge à raccommoder, des couteaux à aiguiser, des marmites à rétamer jusqu’à de la porcelaine brisée ou fendue à recoller, le tout accompagné de pain frais ou de tartes dorées.  Le matin, les travaux étaient effectués et la nourriture avait disparu.

A Hulsonniaux vivait la belle et candide Madeleine, la plus ravissante villageoise qu’on eût pu rencontrer.  Les gars n’avaient d’yeux que pour elle mais c’était peine perdue : Madeleine était pieuse comme un ange et toute la puissance d’amour de son ingénue puberté s’en allait vers le ciel en ardentes et passionnées adorations.  On la croyait la plus heureuse des filles, mais elle était en réalité dévorée par un gros chagrin.  Elle ne possédait qu’un simple chapelet en bois vulgaire et grossièrement taillé.  Or, elle avait entrevu chez la châtelaine de Celles un rosaire fait de jais et d’argent d’une grande beauté et Madeleine pensait qu’avec un pareil objet, elle prierait plus dévotement Notre-Dame.  Après avoir supplié la Madone de lui envoyer le précieux bijou, elle décida, en désespoir de cause, de s’adresser aux Nutons.  Il s’agissait d’une entreprise audacieuse, car bien que les Nutons eussent des épouses, ils ne dédaignaient pas les compagnes des humains et aimaient à butiner les plus belles filles des champs.  On les avait vus poursuivre des femmes à travers la montagne et l’on citait plus d’un enlèvement audacieux dont ils étaient les auteurs.  Des femmes disparaissaient pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.  Malgré tout, l’envie était plus forte que la crainte et, un soir de mai, Madeleine a déposé à l’entrée de la grotte de succulentes galettes et son grossier chapelet de bois.  Le lendemain matin, Madeleine courut vers la grotte et quelles ne furent pas sa surprise et sa joie de trouver, à la place des galettes et de son chapelet, un superbe joyau aux perles multicolores et à la croix en or garnie de turquoises.

Tapis dans leur Trou, les Nutons observaient Madeleine en contemplation devant son somptueux chapelet.  Soudain, cinq d’entre eux s’élancèrent vers la jeune fille.  Leurs figures avinées et pleines de rides, leurs yeux lubriques et leurs corps velus épouvantèrent la jeune paysanne qui s’encourut en direction de Chaleux.

Madeleine courait aussi vite qu’elle pouvait, mais les Nutons gagnaient du terrain et il lui semblait qu’elle pouvait déjà sentir contre sa nuque leurs haleines de démons.  Tout d’un coup, elle se trouva devant la Lesse qui coulait large, profonde et tumultueuse.  Les Nutons allaient l’atteindre.  Affolée, Madeleine se précipita dans la rivière ; les Nutons la suivirent et tous se perdirent dans les flots agités.

Le lendemain, on retrouva le corps de la jeune fille suspendu à une branche par son chapelet…

On raconte que, depuis, tous les ans à cette date, une rose très belle et très blanche fleurit à cet endroit, entourée de cinq ronces, petites, rabougries, mais couvertes de longs aiguillons.  L’âme de Madeleine et des Nutons sans aucun doute.  La nuit qui succède ce jour mémorable, un phénomène étrange et merveilleux se produit au sein du massif rocheux de Chaleux : un des rochers, appelé depuis « la Chandelle », s’allume sur le coup de minuit.  A la lueur de ce flambeau, des Nutons tourbillonnent dans une danse autour de Madeleine qui récite son chapelet.  Les Nutons se précipitent vers la jeune fille et la poursuite infernale commence.  Bientôt tous ensemble, ils tombent dans la rivière et disparaissent sous les eaux.  A ce moment précis, la Chandelle s’éteint.

Van Remoortere (1998) raconte une histoire fort similaire, mais il la situe à Furfooz (voir le site décrit p.198) et la belle et très précieuse villageoise s’appelle Nitouche.

Le site des Aiguilles de Chaleux a été classé par arrêté royal 04/04/1939.  Il fait partie du Patrimoine exceptionnel de Wallonie.